Petite balade nocturne autour du Vieux-Port de Marseille

Marseille se visite aussi de nuit ! Le grand effort de mise en valeur du Vieux-Port est visible aussi à la tombée du jour. Voilà une balade idéale en sortant d’un restaurant. Venez voir les mises en scènes des grands concepteurs lumière du moment !

Pendant longtemps, à Marseille, les études d’éclairage du domaine public comme des bâtiments emblématiques ont été confiés aux services techniques de la Ville. Ces derniers, faute de réflexion globale sur l’architecture et le patrimoine, n’apportaient souvent qu’une réponse strictement technique et quantitative. Mais la prise de conscience récente du savoir-faire des concepteurs-lumières et autres plasticiens permet à présent de doter la ville d’installations de qualité. C’est ainsi que les promeneurs du soir peuvent apprécier le Vieux-Port sous un éclairage nouveau…

Si vous visitez Marseille en hiver, la nuit tombe plus tôt… Mais voilà une petite promenade rapide que je vous propose après un bon restaurant dans le quartier du Panier. Attention à ce que le MuCEM soit encore ouvert quand vous commencerez votre promenade, vous pourriez passer à côté d’un des plus beaux éclairages de Marseille ! Si vous pouvez programmer votre visite, sachez que le MuCEM ouvre ses portes jusqu’à 22h les vendredis. Une occasion rêvée !

Rendez-vous devant le parvis de l'église Saint-Laurent. Vous voilà sûrement sur un des plus beaux spots de Marseille.

La Mer-Veille

La mise en lumière du MuCEM
La mise en lumière du MuCEM par Yann Kersalé
Photo : Jonathan Tourtois

C’est Yann Kersalé qui a été chargé de la conception de la mise en valeur nocturne du MuCEM. Le plasticien a été associé très tard dans le projet architectural, dans le cadre du « 1 % artistique » de la commande publique. L’artiste a collaboré avec l’entreprise LEC pour la conception des appareillages, permettant de gagner du temps dans le processus de création. Le nom de son installation : la « Mer-Veille ».

L’idée du projet est d’utiliser le moucharabieh de façade conçu par Rudi Ricciotti comme un élément à éclairer en contre-jour. En utilisant les variations de bleu et de turquoise si chères à Yann Kersalé et en répartissant de manière non-uniforme ses appareillages, le bâtiment donne ainsi l’image d’un saphir dissimulé sous la peau organique en béton. En jouant sur l’épaisseur de la façade, l’intensité de l’éclairage varie en fonction du point de vue du passant : frontal, rasant ou oblique. Le jeu de scintillement du bâtiment est repris en écho par les variations de la danse au rythme des vagues, comme un phare luminescent. Pour arriver à ce résultat, les dispositifs d’éclairage prennent place dans l’interstice entre les éléments en béton et la façade en verre du bâtiment, précisément dans le déambulatoire périphérique ouvert en accès libre.

Empruntez la passerelle vers le MuCEM et rendez-vous sur la place d'armes du Fort Saint-Jean.

Le fort Saint-Jean

Le chemin de ronde du Fort Saint-Jean
Le chemin de ronde du Fort Saint-Jean
Photo : Jonathan Tourtois

Voici un site historique majeur de l’histoire de Marseille, enfin rendu au public. Il s’agit du fort Saint-Jean, réhabilité et intégré dans le parcours muséal du MuCEM. En accès libre, ce nouvel espace permet entre autre de profiter d’un point de vue privilégié sur le Lacydon, le palais du Pharo et la baie de Marseille.

Signés par les architectes de l’agence APS, les espaces extérieurs paysagers sont sublimés à la nuit tombée par les éclairages de Régis Clouzet, de l’Agence Lumière. L’objectif ici était de magnifier l’architecture militaire du Fort en tentant de dissimuler au maximum les installations techniques pour s’y intégrer totalement, tout en s’adaptant aux différents usages du site.

Trois thématiques ont été développées par les concepteurs-lumière. D’une part, la lumière doit révéler l’architecture et toute la symbolique que représente le Fort. Ensuite, elle doit souligner les aménagements paysagers, en distinguant certains végétaux mis en scène, tout en balisant les cheminements piétons et orienter les promeneurs vers les différents belvédères. Enfin, des installations ponctuelles permettront de proposer, à différentes périodes de l’année, des mises en scènes éphémères.

Un effort particulier a été apporté à la mise en scène du Jardin des migrations, un jardin botanique aménagé dans le fort et protégé derrière le mur d’enceinte. La lumière pourra être adaptée pour les différentes installations qui y prendront place tout au long de l’année.

Dans son approche globale, le projet fonctionne différemment au fur et à mesure que la nuit arrive. Au coucher du soleil, l’éclairage présente une couleur dominante blanche neutre. Puis, doucement, l’éclairage bascule doucement vers des teintes bleutés, plongeant le lieu dans une ambiance de pleine lune. À 1h du matin, conformément à la réglementation, le fort s’éteint finalement.

Prenez le temps de vous promener dans le fort Saint-Jean, les ambiances lumineuses sont superbes. Vous trouverez facilement de beaux points de vue sur le boulevard de la Méditerranée, qui s'étire jusqu'à la Joliette en passant devant les Halles de la Major, mais aussi le Pharo, de l'autre côté de l'entrée du Vieux-Port. Puis, descendez du fort par la Tour du Roi René et longez le port jusqu'à la Mairie.

La Mairie

Impossible de passer devant la Mairie de Marseille sans parler des aménagements qui y ont été réalisés en 2006 par l’architecte Franck Hammoutène et le paysagiste aixois Pierre-Paul Petel. Ici, 22.000 m² d’espaces publics ont été requalifiés, sans parler de l’Espace Bargemon, en sous-sol, et la salle du Conseil Municipale, elle aussi enterrée. Bien sûr, la nuit, vous ne verrez pas grand chose des ces lieux… Mais si vous avez la possibilité de les visiter de jour, ça vaut le détour.

Franck Hammoutène a même reçu le Prix de l’Equerre d’Argent1 en 2006 pour cette réalisation.

La place Bargemon, à côté de la Mairie
La place Bargemon, à côté de la Mairie
Photo : Jonathan Tourtois

Depuis la place, vous aurez une vue splendide sur le quai Rive Neuve, de l’autre côté du plan d’eau, et Notre-Dame de la Garde qui veille au loin. De l’autre côté, l’Hôtel Dieu, récemment transformé en hôtel 5 étoiles, impose sa silhouette majestueuse dans la nuit. C’est sûrement une des plus belles mises en scène nocturne de Marseille.

Après avoir découvert la place Bargemon et sa sœur la place Jules Verne, vous pouvez continuer à longer le quai du Vieux-Port, jusqu'à l'ombrière. C'est ici que se termine notre promenade !

Le Vieux-Port

Lieu de convergence et de rendez-vous pour les Marseillais, le Vieux-Port a été considérablement transformé2 à l’occasion de Marseille Capitale européenne de la Culture 2013. Les voies de circulation ont été réduites et les quais rendus aux piétons. Le sol a été complètement minéralisé, afin de rendre à ce lieu emblématique sa fonction d’abord, tout en rappelant les falaises des calanques.

Dans ce nouvel aménagement, l’éclairage a aussi été repensé par Yann Kersalé, associé dans l’équipe de maîtrise d’œuvre aux côtés de Michel Desvigne et de l’agence marseillaise Tangram. Il résume sa démarche ainsi :

Pour le Vieux-Port de Marseille, mon projet était de travailler dans un minimalisme poussé à son extrême, une légèreté des objets, un confort visuel et établir un dialogue privilégié avec la mer. Mon projet pour le Vieux-Port raconte l’histoire du dialogue privilégié de Marseille avec la mer.

Le fond de scène du Vieux-Port
Le fond de scène du Vieux-Port, par Yann Kersalé
Photo : Jonathan Tourtois

L’objectif du plasticien a été de réduire à son plus strict minimum les installations de luminaires. Les appareillages sont regroupés en hélice autour d’un mât très effilé, culminant à 16,5 m, et reprenant la silhouette des mâts des bateaux. Sur le quai de la Fraternité, huit d’entre eux s’élancent à 23,5 m de haut. Ils marquent le fond de scène du Vieux-Port retrouvé, au croisement des grands axes que sont la Canebière, la rue de la République et le Cours Ballard. Ils sont recouverts d’une écorce lumineuse : il s’agit d’un écran de LED qui diffuse une animation imaginée par Yann Kersalé, qui vibre au rythme de la Méditerranée, que l’artiste qualifie de « mer verticale ».
C’est quasiment le même dispositif qui a été mis en place pour la réhabilitation de la place de la République, à Paris.

Les quais du Port et de Rive-Neuve sont équipés des mêmes mâts, mais de moindre hauteur ; ils sont alignés sur une seule rangée. La disposition des projecteurs Olivio en hélice permet une diffusion omnidirectionnelle de la lumière. À noter que certains mâts supportent des caméras, dont les coques sont de la même couleur de que le reste du mobilier urbain : l’insertion d’éléments de vidéo-surveillance reste cohérente dans le design du luminaire. Les deux différentes hauteurs de mâts permettent d’inonder de lumière les quais uniformément, sans multiplier les points d’implantation.

L’étude n’a pas porté que sur l’éclairage des quais rendus aux piétons. Les pontons, qui ont été refaits à l’occasion des travaux, bénéficient d’un éclairage sur deux teintes. D’une part, les pannes sont mises en valeur par l’installation de luminaires rasants blancs, balisant les cheminements. Quant aux bateaux eux-mêmes, ils sont plongés dans une lumière bleutée captée par les mâts.

Ici encore, c’est l’entreprise LEC qui a installé l’ensemble des dispositifs. L’entreprise a également été en charge de la réalisation de l’éclairage du Fort Saint-Jean et du MuCEM.

La Canebière

Une des opérations majeures de l’agence MA Studio à Marseille, menée par le designer Marc Aurel, c’est incontestablement le chantier gigantesque de la requalification du centre-ville, dans le cadre du projet urbain Euroméditerranée.

La zone d’intervention pour l’agence de design est énorme. Elle couvre toutes les artères majeures dans le périmètre de l’opération d’aménagement : boulevard de Dunkerque, rue de la République, avenue Colbert, place Sadi Carnot, cours Belsunce… et l’inévitable Canebière bien sûr.

L’idée maîtresse de la composition globale est de définir une identité visuelle à chacune de ces avenues, tout en déclinant une nouvelle gamme de mobilier urbain unique. Seule entorse à la règle : sur la Canebière, l’agence décide de conserver les candélabres du XIXème siècle, « faisant partie intégrante du patrimoine marseillais« . Pour le reste, les designers s’attacheront à la conception d’une nouvelle ligne de luminaires baptisée « Cristella ». Marc Aurel en résume la conception :

De par sa vasque en verre prismatique, le Cristella participe pleinement à la création d’ambiances lumineuses au sein de la ville tout en assurant d’excellentes performances photométriques. La nuit, son rendu des couleurs est exceptionnel. Le jour, sa surface de cristal reflète les rayons du soleil dans de multiples directions. Il embellit ainsi la ville de jour comme de nuit.

L’intervention la plus spectaculaire est sûrement celle que l’agence a réalisé pour la rue de la République. En plus des nouveaux luminaires, répartis le long des trottoirs, de puissants projecteurs bleu on été installés sous les corniches des immeubles haussmanniens. La rue baigne dans un bleu apaisant, une façon de rendre à la nuit sa place dans le rythme de la ville. Les modénatures des porches des immeubles ont été relevés par un projecteur blanc, qui redonne aux portes cochères toute leur majesté.

La mise en lumière de la place Sadi Carnot, qui ponctue la longue rue de la République, a permis à l’agence de décrocher le Trophée des lumières pérennes en 2008. Le principe d’éclairage est simple mais astucieux : les façades principales des bâtiments qui bordent la place sont largement éclairées en blanc, avec un excellent rendu de couleurs, tandis que les toitures sont plongées dans un bleu gris noble.

Si vous voulez poursuivre la balade, vous pouvez revenir sur vos pas et remonter toute la rue de la République, jusqu'à la place de la Joliette. Puis, longez le boulevard de la Méditerranée, vous passerez au pied de la cathédrale de la Major, dont les aménagements extérieurs sont en cours de finition. Continuez encore et vous retrouverez le MuCEM. La boucle est bouclée !
  1. Si vous ne connaissez pas l’Equerre d’Argent, c’est un prix français remis chaque année à un architecte pour une œuvre qu’il a réalisée dans l’année. C’est un peu l’équivalent du Prix Goncourt pour la littérature
  2. Vous pouvez aussi consulter le site internet dédié à cette opération urbaine

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