Retour sur l’histoire du Stade Vélodrome

Le Stade Vélodrome est l’un des monuments les plus emblématiques de Marseille, et pas seulement pour les inconditionnels du ballon rond. Car lorsqu’en 2017, quand Marseille sera Capitale Européenne du Sport, l’enceinte fêtera déjà ses 80 ans ! Et l’histoire ne s’est pas commencée avec l’amour des Marseillais pour le football…

Avec les pratiques de plus en plus courante du sport, mais aussi la mode naissante de l’hygiénisme et le thermalisme, la municipalité de Siémon Flaissières décide en 1928 d’ériger une série d’équipements sportifs à Marseille et notamment un stade olympique. L’emplacement est décidé par le maire : il s’agira de la plaine se développant au Sud du Parc Chanot, le long de l’Huveaune. Il se dresse ici déjà un premier vélodrome, appelé Larchevèque, qui deviendra le stade Jean Bouin. Quelques propriétés autour seront rachetées par la mairie entre 1931 et 1932. L’implantation prend place sur les anciennes usines automobiles Turcat-Méry.

L’organisation de la Coupe du Monde de Football en 1938 va précipiter le lancement du projet, qui peinait à démarrer. Les premières installations sont inaugurées dès 1934. On dénombre des terrains de rugby, de basket-ball, une piste d’athlétisme, un gymnase, des courts de tennis, mais aussi déjà des terrains de football et même… un boulodrome. Mais le projet de Flaissières ne s’arrête pas là : il faut édifier un grand stade municipal, un vélodrome, et un véritable palais des sports.

En 1935, le successeur de Flaissières, Georges Ribot, pose la première pierre du futur édifice. Pour des raisons financières, la mairie est obligée de revoir ses ambitions à la baisse. C’est l’architecte parisien Henri Ploquin qui a été retenu pour la conception du stade vélodrome, répondant à un programme de 35.000 places assises dont 12.000 couvertes, ceinturant un terrain de foot aux normes internationales, une piste d’athlétisme de 450 m et divers équipements annexes, ainsi qu’une piste cycliste en ciment de 500 m de long sur 8 m de large. Les travaux, qui s’étalent sur 26 mois seulement, nécessitent le déplacement de 25.000 m³ de terre et la réalisation de pas moins de 240 pieux de 10 m de profondeur pour les fondations.

Après deux ans de travaux, le stade vélodrome est inauguré le 14 juin 1937 par le maire suivant, Henri Tasso. Mais le projet gigantesque de Flaissières ne sera pas réalisé intégralement. Faute de budget, le palais des sports ne sera pas construit. Les Marseillais devront attendre 1988 pour que l’actuel Palais des Sports ouvre enfin !

Une popularité croissante

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Le stade Vélodrome dans les années 1950.
Photo prise depuis la tour France 3.

Le nouveau stade accueille de nombreuses manifestations. Plusieurs arrivées du Tour de France sont organisées devant le parvis du stade, comme ça a été encore le cas en 2013. C’est aussi le cas pour le Paris-Nice, le Tour du Sud-Est. En 1972, le stade reçoit les championnats du monde de cyclisme sur piste. La notoriété du vélodrome est immédiate.

L’athlétisme n’est pas en reste, même si la discipline est moins médiatisée. Mais c’est le rugby qui organise les premiers matches internationaux et nationaux, que ce soit pour le rugby à XV ou le Jeu à XIII, surtout pendant la quinzaine d’années qui suit la Seconde Guerre Mondiale. Les Marseillais assistent aussi à des courses de motos ou de Formule 1 sur piste. Plus anecdotiquement, on organise aussi au stade des matches de tennis, de handball ou de hockey sur gazon, de football américain. Le stade accueillera même, à la Libération, une compétition de base-ball avec les soldats américains.

Mais bien sûr, c’est le football qui va prendre progressivement l’ascendant sur les activités du stade. En 1932, le club de la ville, l’Olympique de Marseille, devient professionnel. Le stade de l’Huveaune, dont il est propriétaire, n’est plus suffisant pour accueillir les spectateurs. Aussi, les matches de l’OM sont organisés dans le Stade vélodrome dès son inauguration. La fête de l’inauguration du stade, le 13 juin 1937, se termine même par un match de l’OM devant près de 30.000 spectateurs.

Pourtant, les supporters de l’OM ont du mal à adopter le nouveau stade, accusant la mairie d’avoir voulu en faire un symbole international plus qu’un équipement municipal. Pour eux, le vrai stade de l’OM reste le stade Fernand Bouisson, que les Marseillais appellent stade de l’Huveaune. Situé dans le prolongement de l’hippodrome Borély, les supporters avaient financé eux-même la construction des tribunes 10 ans auparavant. Le stade en question a été démoli en 1998, lorsque le Vélodrome a été transformé pour accueillir la Coupe du Monde de Football. Il ne faut pas le confondre avec l’actuel Stade de l’Huveaune, justement près du Vélodrome.

Les premières transformations

La vie du stade vélodrome est marquée par la variété des manifestations sportives. Mais peu à peu, les tribunes grignotent sur la piste cycliste, le football prenant une part de plus en plus importante.

En 1970 sont enclenchées les premières évolutions notables du stade. Les vieux projecteurs des tribunes Ganay et Jean Bouin sont remplacés par quatre pylônes de 60 m de hauteur pour les événements nocturnes. L’année suivante, la réduction de la piste cyclable et la disparition de la piste cendrée d’athlétisme permettent d’augmenter d’environ 6.000 places assises la capacité totale du stade, offrant désormais 55.000 places, en comptant les places populaires qui sont debout. Plus tard, la création des loges abaissera le nombre de places à 42.000.

Lorsque Bernard Tapie prend la tête du club en 1985, il décide de moderniser le stade. Avec l’organisation du Championnat d’Europe de Football l’année précédente, la pelouse avait déjà été intégralement remplacée. La piste cycliste n’étant plus utilisée, les travaux la suppriment complètement. Les deux virages sont réaménagés et la capacité du stade est portée à 48.000 places.

Le stade enrhumeur

Puisque la France organise la Coupe du Monde en 1998, la ville décide de lancer un appel d’offres pour une véritable rénovation en profondeur du stade.

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La tribune Gustave Ganay, avant les transformations de 2014.

Sa capacité est portée à 60.000 places, ce qui en fait le deuxième stade en termes de capacité d’accueil, après le Stade de France. C’est l’organisation-même du stade et sa structure qui sont revus à cette occasion. Ainsi, seule une partie de la tribune Jean Bouin et les gradins hauts de la tribune Ganay sont conservés. La façade historique est également préservée. Au total, 20.000 m³ de béton sont coulés sur place, 32 km de gradins sont construits ainsi que 400 volées d’escaliers, 650 tonnes de charpente et 1.500 tonnes d’armatures.

Le chantier est colossal mais les Marseillais sont en colère. La conception-même du stade est décriée : absence de toit, aucune résonance acoustique, configuration des gradins très évasée… Le stade est même surnommé « l’Enrhumeur » par l’entraîneur Rolland Courbis. Si bien que dès 2003, plusieurs projets de reconfiguration sont envisagés.

Le nouveau stade « Elite »

En 2009, la France annonce sa candidature de la France à l’organisation du Championnat d’Europe de football 2016. La ville de Marseille, propriétaire du stade, ressort de ses cartons les projets de modernisation : pour accueillir les matches de la compétition, le cahier des charges de l’UEFA impose une rénovation majeure du stade. Si bien qu’en 2010, la mairie dévoile le projet du nouveau stade vélodrome, projet porté par l’agence d’architecture SCAU.

L’objectif du projet est d’obtenir le classement « stade cinq étoiles » de l’UEFA1. L’élément majeur de la rénovation est de couvrir enfin le stade, mais aussi de porter sa capacité d’accueil à plus de 67.000 places assises. Enfin, le cahier des charges impose aussi l’augmentation du nombre de places dites « à prestations », autrement dit les espaces VIP, l’aménagement de salons de réception et d’un « accueil VIP haut de gamme ». La décoration des salons VIP retrace l’histoire du club.

Le nouveau stade dans le paysage marseillais
Le nouveau stade dans le paysage marseillais

Aujourd’hui, la couverture du stade est sans contexte l’élément le plus marquant de cette transformation. Elle est portée par une structure métallique triangulée en acier galvanisé de 5.500 tonnes, soit l’équivalent de 80 % de la tour Eiffel. La membrane en fibre de verre, blanche et lisse, semble s’appuyer sur les quatre tribunes du stade et s’aplatit à leurs jonctions. Translucide, elle s’éclaire la nuit en révélant  la structure métallique en contre-jour. Un système de récupération des eaux de pluies permet d’alimenter en eau non potable tous les besoins du stade, en particulier l’arrosage de la pelouse.

Le parvis du stade a été rehaussé. Ceci permet d’aménager une voie de secours intérieure qui permet d’accéder à n’importe quelle zone du stade en un temps record. Le parvis dissimule aussi divers locaux techniques et des parkings, pour les visiteurs comme pour les joueurs. Ils permettent d’accueillir jusqu’à 48 bus.

Les quatre tribunes du stade ont été rénovées au cours de la dernière campagne de travaux. Elles portent chacune le nom d’une célébrité marseillaise. Particularité du stade Vélodrome, elles ne sont pas reliées entre elles : impossible de faire le tour du stade depuis le haut des tribunes.

Les quatre tribunes

La tribune Jean Bouin est la tribune principale du stade Vélodrome. Elle porte le nom d’un coureur de fond marseillais ayant remporté une médaille d’argent sur 5.000 m aux Jeux olympiques d’été de 1912. Jusque 2013, elle était la seule tribune couverte de l’enceinte. C’est celle qui se dresse contre le parvis du stade, côté Prado. D’une capacité d’un peu plus de 12.300 places, elle accueille la tribune présidentielle et les loges réservées à l’accueil des V.I.P.. C’est aussi ici que se dresse la tribune de presse, les caméras de télévision et les studios de diffusion, du côté sud. Les bancs des joueurs, qui sont en réalité des fauteuils, sont placés au centre de la tribune Jean Bouin. Ils sont implantés à un niveau plus bas que celui du terrain, qui est encerclé par une fosse.

Dans le bâtiment de la tribune en lui-même, on retrouve aussi les différents services administratifs du stade et le musée-boutique de l’Olympique de Marseille. Sous la tribune se trouvent aussi les vestiaires des joueurs et des arbitres et la salle de conférence.

Le virage Nord Patrice de Peretti, que les Marseillais surnomment aussi virage Depé, porte le nom d’un supporter emblématique de l’Olympique de Marseille, fondateur du groupe de supporters des MTP et décédé à l’âge de 28 ans. Le virage comporte environ 13.800 places.

En face, le virage Sud Chevalier-Roze, plus communément appelé virage Sud, comporte quasiment le même nombre de places que le virage Nord : 13.800 places. Ce virage porte le nom d’un noble qui s’est distingué pendant l’épisode de la peste en 1720, en organisant le ravitaillement de la cité et en lançant la construction d’un hôpital.

Enfin, face à la tribune Jean Bouin se dresse la tribune Gustave Ganay. Il s’agit de la plus grande tribune du stade, avec ses quelques 22.398 places. Elle culmine à 43 mètres, la toiture atteignant 61 mètres de hauteur. C’est elle qui reçoit les fauteuils en bleu et blanc qui forment les lettres « MARSEILLE », visibles sur la plupart des images du stade.

Les nouveaux aménagements autour du stade

Les travaux de transformation en 2014 ont été accompagnés d’une multitude de projets de densification des alentours. De nombreux logements ont été construits le long de la bordure nord du Vélodrome, ainsi que le long de l’Huveaune, au Sud. Ces opérations ont été réalisées par l’architecte Didier Rogeon, à qui l’on doit notamment la création de la bibliothèque de l’Alcazar. C’est lui aussi qui a construit en 2007 la station d’épuration qui se situe sous le parvis du stade, du côté du métro Sainte-Marguerite-Dromel, et sa géode de verre et d’acier de 13 m de diamètre. Il s’agit de la plus grande station d’épuration enterrée au monde !

Du côté du Rond-Point du Prado, c’est un centre commercial qui est actuellement en chantier, et dont l’inauguration est prévue pour 2017. C’est aussi Didier Rogeon qui a la charge de ce chantier, sous la direction de l’architecte Bonoy. Le bâtiment offrira 23.000 m² de surfaces commerciales réparties sur 5 étages, soit une cinquantaine de boutiques, reposant sur un parking de 800 places. On annonce aussi le déménagement des Galeries Lafayette, désertant leurs locaux de la rue Saint-Ferréol, ce qui laisse craindre aux détracteurs du projet une certain délaissement du centre-ville en faveur des nombreux centres commerciaux qui ouvrent à Marseille depuis quelques années…

  1. Ce classement a été remplacé en 2006 par la « catégorie 4 »

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